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Près de 100 000 Hongrois ont manifesté dans les rues de Budapest dimanche pour protester contre un discret projet de taxation de l'internet qui était inclus dans le projet de loi pour le budget 2015. La taxe envisagée, de 150 forints (environ 49 cents) par gigaoctet de données téléchargées ou uploadées par les utilisateurs, aurait été mise à la charge des fournisseurs d'accès.
Mais les utilisateurs comprennent que leur fournisseur répercuterait cette taxe sur eux, comme cela a été le cas à chaque fois que le gouvernement a décidé d'introduire une nouvelle taxe sur un secteur particulier.
Suite à ces manifestations, le Premier ministre hongrois Viktor Orban a modifié sa proposition, et décidé de fixer un seuil maximal pour la taxe, de 700 forints pour la consommation des particuliers (environ 2,30 euros) et de 5000 forints pour les entreprises (environ 16,30 euros), mais mardi, les manifestants ont de nouveau manifesté pour réclamer plus de concessions.
Cependant, Leonid Bershidsky de Bloomberg estime que cette taxe n'est pas une si mauvaise chose. Son argument est que même si une telle taxe pourrait être assimilée à une volonté de contrôler la diffusion de l'information sur internet, elle pourrait en fait aider les gens à faire le tri dans ce qu'ils consultent.
Il rappelle que les Hongrois sont relativement privilégiés au niveau fiscal : leur impôt sur le revenu n'est qu'un taux unique de 16%, tandis que l'impôt sur les sociétés est de 19%, et même moins pour les petites entreprises. En revanche, la TVA à 27% est la plus élevée en Europe. En outre, diverses taxes ont été introduites dans certains secteurs, incluant la banque, la publicité et les télécommunications - souvent dominés par des entreprises étrangères. Les opérateurs des télécoms payaient donc déjà une taxe sur les minutes des appels et sur les SMS, et pour le gouvernement, il n'était donc pas illogique d'étendre cette taxation à l'internet.
Bershidsky évalue l'incidence de la taxe mensuelle à moins de 20 euros par mois pour un utilisateur qui regarderait régulièrement des programmes en streaming sur un service de télévision à la demande du type Netflix, et qui utiliserait 40 giga-octets mensuel. Pour le Hongrois moyen, dont le salaire mensuel ne se monte qu'à près de 500 euros, c'est une grosse somme.
Les Hongrois finiront sans doute par accepter le principe de cette taxe, mais leurs manifestations témoignent d'une certaine exaspération. Orban doit trouver des secteurs moins sensibles sur lesquels appliquer de nouvelles taxes pour réduire le déficit du pays, estime le journaliste.
En effet, la taxation de l'internet et de la publicité a toujours été considérée comme un moyen détourné de restreindre la liberté d'information, une tentation qui semblerait naturelle pour un politicien tel qu'Orban, qui se réclame de la même trempe que le président russe Vladimir Poutine et son homologue turc Recep Tayyip Erdogan.
Au milieu des années nonante du siècle dernier, deux chercheurs, Luc Soete et Karin Kamp de l'université de Maastricht, ont été les premiers à défendre la pertinence économique d'une taxe sur l'internet. Ils notent qu'étant donné que l'économie se concentre de plus en plus dans les transactions d'information immatérielle, une partie grandissante de la valeur devient invisible. Il est donc aussi logique de taxer l'internet que de taxer la consommation, et de même que l'on taxe la téléphonie traditionnelle, on devrait taxer le trafic de données sur internet, affirme Bershidsky
L'infrastructure pour l'internet est faite de matériels qu'il faut maintenir et faire évoluer. En outre, une taxe sur les consommations de données importantes pourrait contribuer à la neutralité de l'internet, juge le journaliste.
Les consommateurs n'ont probablement pas besoin de consommer autant de données qu'ils le font, observe-t-il, citant le cas des vidéos qui se déclenchent spontanément. " Si nous étions taxés pour les regarder, la plupart d'entre nous les bloquerait ", écrit-il.
Mais son argument principal, c'est qu'une taxe élevée forcerait les sociétés de technologie à développer de nouveaux outils pour minimiser le trafic et rendre l'internet plus décentralisé, et plus efficace.
Pourquoi une taxe sur l'internet n'est pas une si mauvaise idée