L'économiste français, Patrick Artus. © Image Globe
Responsable de la recherche auprès de la banque française Natixis, professeur associé à l'Université de Paris 1 (Sorbonne), Patrick Artus est connu pour son franc-parler et la richesse de ses études. Depuis quelque temps, il s'interroge sur les bizarreries qui émaillent la reprise économique. La croissance repart, dit-il, mais sans l'aide des Etats, ni des entreprises. Des entreprises qui restent traumatisées par la rapide succession de crises ces derniers temps. Entretien avec un économiste qui ne pratique pas la langue de bois.
TRENDS-TENDANCES. Avant de parler des bizarreries de la conjoncture actuelle, une première question : y a-t-il vraiment reprise ?
PATRICK ARTUS. C'est vrai, nous avons des maillons faibles : Inde, Turquie, Afrique du Sud, Indonésie, Brésil connaissent une grave crise de change, due à leur déficit extérieur. Et cette crise a des effets négatifs sur la capacité de ces pays à importer et sur le commerce mondial. La zone euro, en dehors de l'Allemagne, est un autre maillon faible : la croissance n'y sera peut-être que de 0,1 ou 0,2 % cette année... Il y a aussi d'autres inquiétudes : on avait tablé aux Etats-Unis sur une reprise assez solide, mais depuis deux mois, perspectives de croissance, carnets de commandes, emplois, crédits immobiliers, ventes de voitures, etc. sont faibles. Nous ignorons aussi comment le Japon va supporter l'important choc fiscal que constitue la hausse du taux de TVA à partir d'avril (il passe de 5 à 8 %, Ndlr). Toutefois, pour les Etats-Unis, le consensus (la moyenne des prévisions de croissance des économistes, Ndlr) est de l'ordre de 3 %. Il atteint 2,5 %, pour le Royaume-Uni, 2 % pour le Japon et pour l'économie mondiale, 3,6 % contre 2,9 % l'an dernier. Ce n'est pas une explosion de la croissance, mais c'est une reprise.
Une reprise donc. Mais bizarre dites-vous : le crédit ne redémarre pas, le commerce mondial est faible, l'inflation reste basse...
Oui, la reprise est bizarre au sens où les entreprises restent incroyablement prudentes. Le redémarrage, quand il a lieu, repose sur les ménages qui consomment aux Etats-Unis, au Royaume-Uni, au Japon, en Allemagne et achètent des logements (surtout dans les trois derniers pays cités). En revanche, les entreprises n'investissent pas, même dans des pays où il y aurait toutes les raisons de le faire. Pourtant, les profits sont extrêmement élevés.
Pour les grandes entreprises européennes et américaines, oui... ... mais aussi pour les petites aux Etats-Unis et au Japon ! Les coffres des entreprises contiennent des réserves de cash d'un montant inégalé : 1.700 milliards de dollars de réserves pour les entreprises de l'indice S&P 500 (cotées en Bourse de New York, Ndlr), et pratiquement autant pour celles cotées sur le Nasdaq. Microsoft à elle seule détient 85 milliards de dollars de trésorerie. Taux de profit élevé, taux d'intérêt bas, plein de cash... les conditions sont réunies et pourtant, l'investissement ne repart pas. Il remonte un tout petit peu aux Etats-Unis (2 %), mais il baisse en Angleterre, en Europe, en Chine... Dans le monde entier, les entreprises sont mortes de peur !
Propos recueillis par PIERRE-HENRI THOMAS
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