2015-05-27
© YouTube Deux crayons pour invoquer un démon
C'est la dernière folie en date sur les réseaux sociaux: des milliers d'ados dans le monde le monde tentent d'invoquer un démon baptisé Charlie et partagent les vidéos de leurs expériences
On le constate souvent, les technologies modernes peuvent servir à raviver les peurs et les croyances les plus ancestrales. Voici une nouvelle démonstration de cet apparent paradoxe avec un inquiétant rituel qui fait sensation sur Twitter et sur Facebook. Des milliers d’usagers dans le monde font circuler et expérimentent une méthode pour convoquer un démon curieusement nommé Charlie avec une version bricolée du ouija, la fameuse tablette permettant de dialoguer avec l’au-delà…
"Charlie, Charlie es-tu là ?"
Le dispositif du «Charlie Charlie challenge», inspiré paraît-il d’une vieille tradition mexicaine, est rudimentaire : deux crayons entrecroisés sur une feuille de papier où sont inscrits «oui» et «non» disposés en carré. Il suffit d’invoquer le nom du démon en prononçant la phrase : «Charlie, Charlie es-tu là ?». Si tout se passe «normalement», Charlie répond aux questions posées en orientant les crayons sur les réponses positives ou négatives. Ce rituel est en réalité une nouvelle variante d’un jeu identique qui a connu un bref succès sur le Web en 2014 et dont la seule différence notable portait sur l’utilisation de 6 crayons au lieu de 4.
Youtube, Facebook, Reedit, Vine sont désormais saturés de courtes vidéos censées montrer une intervention bien réelle du démon : les crayons tournent d’eux-mêmes, un miroir se brise, un cadre tombe et les adolescents hurlent, ravis de se faire peur à si bon compte. Des conseils circulent sur les réseaux sociaux pour enjoindre les adeptes du «Charlie Charlie challenge» a ne jamais oublier de dire au-revoir à l'entité pour mettre un terme à la séance sous peine qu'elle ne prenne pension.
Le tabloïd anglais, The Mirror, a même demandé à ses lecteurs d’envoyer à la rédaction leurs propres expériences avec Charlie. Le journal a reçu de nombreuses réponses dont celle d’un certain Zody qui avec ses amis aurait vu «apparaître en haut des escaliers une silhouette masculine avec des yeux rouges et noirs».
Un démon baptisé... Zozo
Ce n’est pas la première fois que ce genre de pratique dérivée du spiritisme créé une légende urbaine sur le Web mettant en scène un être surnaturel bien identifié. Ainsi, des milliers de personnes ont relaté sur des forums leur rencontre avec un démon baptisé… Zozo. Un site entier lui a même été consacré, «The Zozo ouija phenomena» où l’on trouve de dizaines de témoignages, des recherches historiques ainsi que des photos et des vidéos de prétendues apparitions du démon.
Le phénomène a touché la France et l’on peut lire sur des forums dédiés au paranormal les méfaits de cet affreux zozo comme celui de RipperJack sur « Paranormal-Info » :
«On a commencé la séance avec une tablette de ouija que j'ai fabriquée moi-même, et tout s'est bien passé...Nous sommes entrés en contact avec un esprit qui disait s’appeler Arnal et être là pour du bien... Nous allions terminer la séance lorsque nous avons commencé à parler du démon ZOZO soi-disant responsable de possessions en rapport avec le ouija. On a essayé de l'invoquer juste pour rire (personne n'y croyait) quand soudain la porte de mon salon s'est arrachée de ses gonds et s'est explosée par terre dans une rafale d'éclats de verre...
Lorsque nous nous sommes remis, le verre a commencé à bouger tout seul et à pointer comme ça:
ZOZOZOZOZOZOZOZ OZOZ »
On s'est tous sentis très mal, le lendemain j'avais une griffure sur la jambe. »
La première occurrence de Zozo -ou du moins d'un esprit homonyme- figure dans le célèbre « Dictionnaire infernal » publié en 1918 de Collin de Plancy (1793-1887). L’auteur français y décrit un cas de possession en Picardie d’une jeune fille qui se disait harcelée par trois esprits maléfiques, Mimi, Crapoulet et… ZoZo. On peut aussi songer à la divinité infernale mésopotamienne Pazuzu qui s’en prend à Linda Blair dans l’Exorciste et ses suites.
De Pazuzu à ZoZo, il n’y a que quelques pas mais bien malin sera celui qui parviendra à retracer à coup sûr le cheminement tortueux de Zozo à travers les siècles…
De même, il est difficile de trouver les sources du succès de Charlie chez les teenagers accros au paranormal.
La campagne «Je suis Charlie», répercutée dans le monde entier, n’est peut-être pas étrangère à son regain de popularité après sa première apparition en 2014, de même que la sortie du film d’épouvante «Ouij » en partie inspiré des mauvaises expériences avec la tablette
Philip ou comment créer un fantôme
Mais l’engouement massif pour Charlie et son prédécesseur ZoZo rappelle par bien des aspects l’une des plus étonnantes expériences de psychologie tentée pour expliquer un phénomène paranormal. En 1972, à Toronto, des psychologues de la Société de Recherche Psychique ont décidé de créer un fantôme de toutes pièces en imaginant son nom, son caractère, les détails de sa vie, la façon dont il est mort… Autrement dit un revenant entièrement façonné en laboratoire. Le spectre baptisé Philip était censé être un Anglais décédé au 17e siècle. Puis, après une longue période à tenter de convoquer sans succès leur personnage pendant des séances de spiritisme, Philip a fini par se manifester. Plus incroyable encore, les poltergeist et les incidents étranges se sont multipliés au cours des séances suivantes : la table se déplaçait au point que plusieurs personnes unissant leur force ne parvenaient pas à la maintenir en place, des coups puissants étaient frappés et Philip répondait aux questions en fournissant de nombreux éléments sur sa vie –imaginaire- d’aristocrate au temps de Cromwell. Plusieurs de ces séances agitées ont même été filmées. La réputation de Philip ne cessant de s’accroître, d’autres groupes sont parvenus avec le même succès à invoquer ce fantôme imaginaire.
La popularité de Charlie et Zozo serait-elle la conséquence d’une expérience du même type menée de façon involontaire par des milliers d’ados à travers le monde ? Un coup pour « oui », deux coups pour « non »…
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