Pierre Reverdy, né à Narbonne (Aude) le (le 13 septembre 1889 selon l'état civil) et mort à Solesmes le , est un poète français associé au cubisme et aux débuts du surréalisme. Il a eu une influence notable sur la poésie moderne de langue française.
Biographie
Jeunesse
Déclaré « né de père et de mère inconnus » à l'état-civil de Narbonne, Pierre Reverdy dut attendre sa vingt-deuxième année pour être reconnu par sa mère. L'année de sa naissance, sa mère était mariée mais son époux vivait en Argentine. Ce n'est qu'en 1897 qu'elle put se remarier avec le père de Reverdy, viticulteur dans la Montagne noire. Pierre Reverdy venait d'une famille de sculpteurs, de tailleurs de pierre d'église. Toute sa vie en sera marquée par un sentiment de religiosité profonde. Il poursuivit ses études à Toulouse et à Narbonne.
Pendant seize ans il vit pour créer des livres. Ses compagnons sont Pablo Picasso, Georges Braque, Henri Matisse. Toutes ces années sont liées de près ou de loin à l'essor du surréalisme, dont il est l'un des inspirateurs. Sa conception de l'image poétique a en particulier une grande influence sur le jeune André Breton et sa théorisation du mouvement surréaliste.
Pierre Reverdy est, avec Apollinaire, celui qui accueillit les surréalistes à leur arrivée à Paris pendant la guerre. Aragon raconte : « Il était, quand nous avions vingt ans, Soupault, Breton, Eluard et moi, toute la pureté pour nous du monde. Notre immédiat aîné, le poète exemplaire1. »
Pendant la guerre, il vit dans une assez grande pauvreté, accentuée par le froid et le manque de charbon. Louis Aragon se rappelle :
« Je le revois rue Cortot dans ce temps de misère et de violence, un hiver qu'il régnait chez lui un froid terrible, sa femme malade, et dans le logement au-dessus ce diable d'Utrillo qui faisait du boucan, c'était à tuer. Il y avait dans les yeux noirs de Reverdy un feu de colère comme je n'en avait jamais vu nulle part, peut-être les sarments brûlés au milieu des vignes à la nuit. Je me rappelle ce jour où il lui avait fallu vendre à un de ces hommes riches qui aiment tant l'art un petit Braque qui n'était pas seulement pour lui un tableau, et comme à la dernière minute de se dépouiller, il avait farouchement saisi la toile et l'avait baisée de ses lèvres, à la stupéfaction de l'amateur éclairé2. »
La revue Nord-Sud
Le 15 mars 1917 paraît le premier numéro de sa revue Nord-Sud, à laquelle collaborent les poètes du dadaïsme puis du surréalisme. Le titre de la revue lui est venu du nom de la compagnie de métro qui avait ouvert en 1910 la ligne reliant Montmartre à Montparnasse. Il signifiait ainsi sa volonté de « réunir ces deux foyers de la création »3. Pierre Reverdy a conçu ce projet à la fin de 1916, alors que la vie artistique est encore anesthésiée par la Grande Guerre, pour montrer les parallélismes entre les théories poétiques de Guillaume Apollinaire, de Max Jacob et de lui-même, marquant ainsi le début d'une époque nouvelle pour la poésie et la réflexion artistique. Reverdy y expose ses théories littéraires, ainsi que de nombreuses réflexions sur le cubisme, notamment sur ses amis Pablo Picasso et Georges Braque4. Joan Miró représente la revue dans un tableau qui porte son nom, Nord-Sud (1916-1917), en hommage au poète et aux artistes qu'il admirait.
Au début des années 1920, il fut l'amant de Coco Chanel à qui il dédicaça de nombreux poèmes.
Solesmes
En 1926, à l'âge de 37 ans, annonçant que « libre penseur, [il] choisit librement Dieu »6, il se retire dans une réclusion méditative près de l'abbaye bénédictine de Solesmes où il demeure - bien qu'il ait semble-t-il perdu la foi - jusqu'à sa mort, à 70 ans en 19607. Là sont nés ses plus beaux recueils, tels Sources du vent, Ferraille, Le Chant des morts.
Dans la dernière année de sa vie, il écrit Sable mouvant, testament poétique dans lequel il dépouille ses vers et où la voix reste en suspens (son dernier vers ne comporte pas de point final). Il veut qu'il ne demeure de lui qu'un portrait symbolique, dépouillé des détails de l'existence, et ramené à l'essentiel8.
Postérité
Dans son article consacré à la mort de Reverdy, Louis Aragon écrit également : « Sa grandeur, qu'y ajouterais-je à la comparer aux morts et aux vivants ? Il nous reste Saint-John Perse et Marie Noël, il y avait Apollinaire, il y eut Eluard1. »
Le 11 juin 2010, à l'occasion des cinquante ans de la disparition du poète, une table ronde animée par Emmanuel Vaslin a réuni, à la bibliothèque municipale homonyme de Sablé-sur-Sarthe, Antoine Emaz, président de la commission "poésie" au Centre national du livre et auteur d'une thèse sur les notes de Pierre Reverdy, Claude Cailleau, auteur d'une biographie du poète ainsi que Jean Riouffreyt, historien.
Style
Le style d'écriture de Pierre Reverdy a été révolutionnaire. Fervent admirateur de Mallarmé et de son fameux « coup de dés », la poésie de Pierre Reverdy emprunte à ce dernier sa forme dentelée avec un retour systématique à la ligne sur des vers en biseaux. Procédant du papier collé, forme empruntée au cubisme auquel il veut très tôt joindre la forme écrite, il cherche par ce moyen à aller au cœur des choses plutôt qu'à leur surface. Le poème sera ainsi plus une évocation de leur réalité consubstantielle par le biais de ce que les images suggèrent qu'une description ou une narration textuelle. L'emploi de la comparaison et de la métaphore s'y veut primordial. Comme le dit lui-même le poète, il s'agit de rapprocher deux mots au sens éloigné l'un de l'autre pour créer une sorte de choc visuel sur la page et intellectuel du même coup. Picasso dira ainsi que Reverdy écrivait à ses yeux comme un peintre. Il n'abandonnera jamais cet idéal d'écriture choisi à l'époque cubiste et ce parti pris aura eu une influence décisive sur tous les grands poètes qui le suivront, au premier chef ceux du surréalisme.
Œuvres
Poèmes en prose, 1915, Imprimerie Birault, Paris
La Lucarne ovale, 1916, Imprimerie Birault, Paris
Quelques poèmes, 1916, Imprimerie Birault, Paris
Le Voleur de Talan, 1917, roman, Imprimerie Rullière, Avignon
Les Ardoises du toit, 1918, avec deux dessins de Georges Braque, Imprimerie Birault, Paris
Les Jockeys camouflés et période hors-texte, avec cinq dessins d'Henri Matisse, 1918, Imprimerie F. Bernouard. Édition désavouée par le poète et par l'illustrateur. La « seule approuvée », avec l'achevé d'imprimer du 30 décembre 1918, fut tirée chez Birault.
La Guitare endormie, 1919, avec quatre dessins de Juan Gris, Imprimerie Birault, Paris
Self defence, 1919, essai critique, Imprimerie Birault, Paris
Étoiles peintes, 1921, avec une eau-forte d'André Derain, Sagittaire, Paris
Cœur de chêne, avec huit gravures sur bois par Manolo, 1921, Éditions de la Galerie Simon
Cravates de chanvre, 1922, avec trois eaux-fortes de Pablo Picasso, Éditions Nord-Sud
Pablo Picasso et son œuvre, 1924, dans Pablo Picasso avec vingt-six reproductions de peintures et dessins, Gallimard, Paris
Les Épaves du ciel, 1924, Gallimard, Paris
Écumes de la mer, 1925, avec un portrait de l'auteur par Picasso, Gallimard, Paris
Grande nature, 1925, Les Cahiers libres, Paris
La Peau de l'homme, 1926, roman, Gallimard, Paris
Le Gant de crin, 1927, Plon, Paris
La Balle au bond, 1928, avec un portrait de l'auteur par Amedeo Modigliani, Les Cahiers du Sud, Marseille
En vrac , 1929
Sources du vent, 1929, avec un portrait de l'auteur par Picasso, Maurice Sachs éditeur
Flaques de verre, 1929, Gallimard, Paris
Pierres blanches, 1930, avec un portrait de l'auteur et un frontispice de Marc Chagall, Éditions d'art Jordy, Carcassonnes
Risques et périls, 1930, recueil des contes écrits entre 1915 et 1928, Gallimard, Paris
Plupart du temps, 1945, recueil des livres Poèmes en prose, Quelques poèmes, La Lucarne ovale, Les Ardoises du toit, Les Jockeys camouflés, La Guitare endormie, Étoiles peintes, Cœur de chêne et Cravates de chanvre, sans les illustrations, Gallimard, Paris. Réédition en 1969 dans la collection « Poésie ».
Préface à Souspente d'Antoine Tudal, 1945, Éditions R.J. Godet, Paris
Visages, 1946, avec quatorze lithographies d'Henri Matisse, Éditions du Chêne, Paris
Le Chant des morts, 1948, avec cent-vingt cinq lithographies de Pablo Picasso, Tériade éditeur
Le Livre de mon bord, 1948, recueils de notes écrites entre 1930 et 1936, Mercure de France, Paris
Tombeau vivant et Dulce et decorum est pro patria mori, 1949, dans Tombeau de Jean-Sébastien Galanis, imprimé par Daragnès, Paris
Main d'œuvre, 1949, recueil des livres Grande nature, La Balle au bond, Sources du vent, Pierres blanches, Ferraille, Plein verre, Le Chant des morts, plus les inédits Cale sèche et Bois vert, Mercure de France, Paris
Une aventure méthodique, 1950, avec douze lithographies en couleurs et vingt-six en noir et blanc de Georges Braque, Mourlot, Paris
Cercle doré, 1953, chanson avec une lithographie de Georges Braque, Mourlot, Paris
À René Char, 1962, poème épistolaire tiré à 4 exemplaires avec un dessin de Georges Braque, Alès, P.A. Benoît, Alès
Sable mouvant, 1966, avec dix aquatintes de Picasso, L. Broder éditeur, Paris
La revue Nord-Sud, 16 numéros du 15 mars 1917 au 15 octobre 1918, a été réimprimée en 1980 par l'éditeur Jean-Michel Place16.
Anthologie, établie par Claude Michel Cluny et présentée par Gil Jouanard, Éditions de la Différence, coll. « Orphée », Paris, 1989.
Citations
« Il n'y a pas d'amour, il n'y a que des preuves d'amour. »
« On est orgueilleux par nature, modeste par nécessité. » - Extrait d'En Vrac.
« Ce n'est pas tellement de liberté qu'on a besoin, mais de n'être enchaîné que par ce qu'on aime. » - Extrait de Le Livre de mon bord.
Notes et références
↑ a et bLouis Aragon, Un soleil noir s'est couché à Solesmes, novembre 1961. Recueilli dans Pierre Reverdy, 1889-1960, Mercure de France, 1960, p. 125
Louis Aragon, Un soleil noir s'est couché à Solesmes, novembre 1961. Recueilli dans Pierre Reverdy, 1889-1960, Mercure de France, 1960, p. 126
André Breton « Œuvres complètes n° 1 », Gallimard, La Pléiade, 1988, note 3 p. 1075
Étienne-Alain Hubert, note au tome 1 des Œuvres complètes de Pierre Reverdy, Flammarion, page 1298
Adrienne Monnier, Pierre Reverdy en 1917, publié dans le Sic n°29, en mai 1918. Recueilli dans Pierre Reverdy, 1889-1960, Mercure de France, 1960, p. 24
in Gant de Crin, éd. Plon, 1927
Gérard Bocholier, Pierre Reverdy, éd. Champ Vallon, 1984, pp. 18-19, extrait en ligne [archive]
Étienne-Alain Hubert, préface de Sable Mouvant, NRF/Gallimard, 2008.
André du Bouchet, Un jour de dégel et de vent. Recueilli dans Pierre Reverdy, 1889-1960, Mercure de France, 1960, p. 141-142
Jacques Dupin, A Pierre Reverdy. Recueilli dans Pierre Reverdy, 1889-1960, Mercure de France, 1960, p. 145
Edmond Jabès, La demeure de Reverdy. Recueilli dans Pierre Reverdy, 1889-1960, Mercure de France, 1960, p. 141-142
Ricardo Paseyro, Reverdy l'Intranquille. Recueilli dans Pierre Reverdy, 1889-1960, Mercure de France, 1960, p. 99-105
Pablo Neruda, Je ne dirai jamais .... Recueilli dans Pierre Reverdy, 1889-1960, Mercure de France, 1960, p. 113-114
Kateb Yacine, Un ancêtre en voyage. Hommage à Pierre Reverdy. Recueilli dans Pierre Reverdy, 1889-1960, Mercure de France, 1960, p. 118-121
Recherche de la base et du sommetéd. Gallimard/Poésie, p. 104
Odysseas Elytis, Pierre Reverdy entre la Grèce et Solesmes, Paris,
Mortimer Guiney, La Poésie de Pierre Reverdy, Genève, Georg,
Ouvrage groupé, sous la direction de Yvan Leclerc, Lire Reverdy, Lyon, Presse Universitaire de Lyon,
Benoît Monginot, Poétique de la contingence - poétique, critique et théorie à partir de Mallarmé, Valéry et Reverdy, Honoré Champion, 2015. (ISBN 9782745328090)
Gaëtan Picon, Poétique et poésie de Pierre Reverdy, L'usage de la lecture, Paris, Mercure de France,
Jean Rousselot et Michel Manoll, Pierre Reverdy, Paris, Seghers, collection Poètes d'aujourd'hui,
Étienne-Alain Hubert, Introduction et notes aux Œuvres Complètes de Pierre Reverdy, Paris, Flammarion, collection Mille et une pages,
Ouvrage collectif, Pierre Reverdy, 1889-1960, Paris, Mercure de France,
Ouvrages collectifs
Le Centenaire de Pierre Reverdy (1889-1960), actes du colloque d'Angers, Sablé-Sur-Sarthe et Solesmes, du 14 au 16 septembre 1989, textes réunis par Yvan Leclerc et Georges Cesbron, Presses de l'Université d'Angers, 1990
Entretiens sur les lettres et les arts, numéro spécial ''Hommage à Pierre Reverdy, publié sous la direction de Luc Decaunes, Rodez, 1961
Reverdy aujourd'hui, actes du colloque du 22 au 24 juin 1989, textes récueillis et présentés par Michel Collot et Jean-Claude Mathieu, suivis de notes de Pierre Reverdy transcrites et présentées par François Champon et Étienne-Alain Hubert, Presses de l'École Normale Supérieure, 1991
Vingt-trois poètes et Reverdy vivants, textes réunis et présentés par Antoine Emaz, supplément Triages, Tarabuste éditions, 2007.
文革不是壞事。文革是毛澤東主席天才地發展馬克思列寧主義的功績。毛主席自謙說:他一生只做了兩件事,一件是解放中國,另一件就是發動文革。今日的大陸,不再是能背誦美國林肯蓋堤斯堡演說的江澤民當權,而是紅二代。什麼叫紅二代?香港的中環精英,Do your China homework:在文革中得益的,就叫紅二代,在文革時期上山下鄉,並覺得那段生活很浪漫,磨煉他們成為領袖的,就叫紅二代。