New iPad : «Ne l’achetez pas à votre enfant !»
vendredi 16 mars 2012 à 11h35
Apple a de nouveau créé la sensation avec sa 3e génération d’iPad. La tablette toute-puissante ne séduit pas tous les observateurs, cependant. Témoignage d’un journaliste qui s’inquiète de l’effet de l’iPad sur les enfants et les ados.
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Tom Kaneshige, senior writer sur le site specialisé CIO.com et lui-même spécialisé dans les produits Apple, ne laissait planer aucune ambiguïté dans une tribune publiée quelques jours avant le lancement du New iPad : «Les enfants devraient-ils avoir des iPad ? Je pense que non.»
Voici ses quatre principales raisons de se méfier de la tablette-reine. En filigrane, le journaliste s’inquiète surtout de la socialisation des enfants. Un mouvement qui n’est pas propre à l’iPad mais que celui-ci pourrait bien amplifier à une échelle encore inédite.
1. «L’iPad engendre des problèmes de socialisation»
Selon une récente enquête menée par iYogi Insights, un tiers des parents américains souhaiteraient acheter ou ont déjà offert des iPad à leurs enfants. Les parents US seraient prêts à dépenser 14 dollars par mois en applications et à laisser leurs progénitures passer deux heures par jour sur leur tablette Apple.
Un parent sur trois «pour» l’iPad, cela laisse deux tiers des parents américains, nuance Tom Kaneshige : «Quelles sont leurs raisons ? Quelque 34 % estiment que l’iPad empêchera leurs enfants de se faire davantage d’amis, tandis que 50 % jugent meilleur, pour leurs marmots, de jouer dehors.»
Un avis partagé par le journaliste spécialisé : «L’isolation créée par l’iPad peut mener à des aptitudes sociales appauvries à un moment où les enfants apprennent tout juste à interagir avec les autres. L’iPad est censé être un appareil créatif ? Au contraire, il affaiblit l’imagination avec ses applications rigides qui prédéfinissent la réalité et les choix, par opposition à la pensée sans limite d’un enfant.»
2. «L’iPad comme ouverture sur un avenir numérique est un argument déjà entendu»
L’iPad prépare les enfants pour un avenir numérique, avancent les partisans de la tablette à la pomme. «Cet argument ne vous semble-t-il pas familier ?, interroge Tom Kaneshige. Ce raisonnement était déjà censé convaincre les parents d’acheter des ordinateurs en 1984, lorsque j’étais un adolescent. Durant l’été 1984, trois enfants sur quatre ont consacré des journées entières à des jeux vidéo, au lieu de jouer au basket avec des copains. (Je ne me souviens même plus du titre du jeu vidéo.)»
Certes, ce journaliste exerce depuis 10 ans dans la Silicon Valley, mais il attribue moins cela à son «exposition», très tôt, à l’informatique qu’au fait qu’au moment de chercher un emploi, «écrire sur la technologie était un point d’entrée dans le journalisme nettement plus facile» que les autres secteurs…
3. «L’iPad transforme les espaces de socialisation en bureaux paysagers»
Avec les possibilités permises par l’iPad en matière d’éducation, Apple met le paquet sur les écoles et les universités via les apps iBooks 2 for iPad et iBooks Author (lire notre analyse ici).
Conséquence : une fois encore, l’isolation, dénonce Tom Kaneshige : «Dans les universités, la tech isolation se nourrit de l’iPad et croît rapidement. Un espace universitaire qui, autrefois, incarnait une sorte de Mecque sociale bruissant d’activité et de conversations, n’accueille plus que des étudiants aux oreilles branchées à leur iPod, plongés sur leurs ordinateurs portables, dans une espèce de confinement auto-imposé qui n’est pas sans rappeler la vie dans les bureaux paysagers.»
Ceci dit, le senior writer reconnaît à l’iPad et à ses applications de réelles qualités en matière d’apprentissage. «Tous les parents (ou presque) qui, dans l’enquête iYogi, avouaient leur intention d’offrir un iPad à leur enfant visaient son utilisation comme outil pour les devoirs. L’iPad a été reconnu comme une sorte de miracle – pas moins – par aider les élèves autiste et les adultes en difficulté à communiquer.»
En outre, «les manuels scolaires multimédias, créés via iBooks Author et tournant sur l’iPad, pourraient bien révolutionner l’enseignement secondaire». Tout n’est donc pas si sombre au royaume des tablettes Apple…
4. «L’iPad est un excellent outil de lecture… mais aucun enfant ne l’utilise pour lire»
L’iPad, en tant que concurrent des liseuses électroniques du type Kindle (Amazon) et Nook (Barnes & Noble), semble enfin un superbe outil de lecture. «Le vilain petit canard d’Hans Anderson (7 dollars) sous forme de livre audio et illustré pour enfants, tout Shakespeare en morceaux (avec l’app Hamlet pour 15 dollars) sont des exemples de livres classiques revisités pour l’iPad.»
Mais – car il y a un mais, ici aussi – «le seul problème, c’est que, de tous les enfants et adolescents que j’ai vus manipuler un iPad, pas un ne lisait un livre électronique»…
5. Faut-il éviter le New iPad et se tourner vers l’iPad 2 ?
Un argument supplémentaire pour ne pas se jeter sur le New iPad d’Apple pourrait venir du site Slate.com. Matthew Yglesias, correspondant business & economics, y estime en effet que le New iPad n’est pas l’élément à retenir de la conférence de presse du 7 mars. Le plus intéressant serait, selon lui… l’iPad 2.
Si le New iPad est lancé au prix de la précédente génération, soit 499 dollars, Apple a abaissé la facture de l’iPad 2 à 399 dollars. De quoi rendre plus difficile encore l’émergence d’une concurrence digne de ce nom et apte à entamer les parts de marché gigantesques (plus de 60 %) de la marque à la pomme sur le «marché des tablettes».
Une appellation que Matthew Yglesias repousse d’ailleurs, au profit d’un plus franc «marché de l’iPad», tant Apple y règne en despote.
V.D.