Cambodge : Hun Sen assure ses arrières
Verhest Sabine Publié le samedi 27 juillet 2013 à 05h43 - Mis à jour le dimanche 28 juillet 2013 à 08h43
Les Cambodgiens le rééliront probablement. Mais peut-être un peu moins bien.
Assiste-t-on à un frémissement de changement ? Les élections législatives cambodgiennes de dimanche déstabiliseront-elles le très autocrate Hun Sen, à défaut de le bouter hors de son fauteuil de Premier ministre ? "Les jeunes veulent des changements, surtout dans les villes. Et ils osent désormais exprimer leur ras-le-bol" , constate Ong Thong Hoeung. "Ils pensent à leur avenir avant tout. Ils n’en ont rien à faire de l’histoire khmère rouge. Ils ne s’intéressent d’ailleurs pas au procès" des anciens dirigeants de la dictature qui fit deux millions de morts entre 1975 et 1979, ajoute l’auteur du livre témoignage "J’ai cru aux Khmers rouges. Retour sur une illusion" (Buchet-Chastel).
Aussi la rhétorique de campagne du Premier ministre sortant porte peu sur cette jeunesse urbaine, soucieuse de salaires décents et d’une vie confortable. Hun Sen affirme à l’envi que, sans lui à la tête du gouvernement, la guerre civile et le retour des Khmers rouges menacent le pays. "Les gens lui reconnaissent le bénéfice de la stabilité et de l’absence de guerre. La population ne demande en général pas beaucoup plus de ses dirigeants" , explique Ou Virak. "Mais les jeunes, qui n’ont pas connu la guerre, soutiennent plutôt l’opposition, des candidats qui s’occupent davantage d’eux et de leur avenir" , poursuit le président du Centre cambodgien pour les droits de l’homme, que nous avons joint par téléphone à Phnom Penh.
"Il n’y a pas vraiment de suspense, Hun Sen sera à nouveau Premier ministre." L’homme ne prend d’ailleurs plus la peine de participer à la campagne électorale. "Mais l’opposition pourrait gagner des voix et Hun Sen voir son pouvoir ébranlé." L’homme fort du Cambodge "a atteint son sommet, il ne peut monter plus haut" , veut croire Ong Thong Hoeung, ancien représentant de l’opposition démocratique cambodgienne auprès de l’Union européenne. Et c’est une opposition galvanisée par le retour d’exil de son leader Sam Rainsy qui se présente cette fois au scrutin.
Intimidations et népotisme
Le Premier ministre ne ménage cependant pas sa peine pour s’assurer la victoire. Certes, la campagne électorale n’a pas connu les violences des scrutins précédents. Mais "ces élections ne seront ni justes ni équitables" pour autant, assène Ou Virak. La commission électorale, qui vient d’invalider la candidature de Sam Rainsy lundi, "n’est pas indépendante" , "l’opposition n’a pas accès à la télévision publique" , "le Parti (du peuple cambodgien, NdlR) au pouvoir utilise l’armée pour intimider la population" . L’Union européenne a d’ailleurs renoncé à envoyer des observateurs sur place.
Pour asseoir sa domination, Hun Sen travaille aussi à assurer sa succession et accaparer, via sa famille et son clan, les principaux rouages du pouvoir. "Il met en place sa dynastie" , pense Ou Virak. De la politique (son fils Hun Many, candidat aux élections) aux médias (sa fille Hun Mana) en passant par l’armée (ses fils Hun Manet et Hun Manith, promus au grade de général mercredi), Hun Sen a placé ses enfants et ses proches aux positions stratégiques. "La direction du CPP va probablement être transférée aux fils de Hun Sen dans le futur" , remarque Ou Virak. Hun Manet, diplômé de l’académie militaire de West Point, a particulièrement le vent en poupe.
Des mariages entre enfants de responsables du parti au pouvoir ont de surcroît donné naissance à une jeune génération d’élites liées par le sang et les affaires. "Le népotisme est une partie intégrante de notre culture politique" , note l’analyste indépendant Lao Mong Hay, cité par l’agence France-Presse. La "formation d’une société féodale" est en cours.
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