Mes Chers Amis,
L’horloge du temps nous amène à la fin d’une année et à l’aube d’une nouvelle. Et dans un mois, nous quitterons le signe du Tigre pour celui du Lièvre ou du Chat. C’est selon la coutume, le moment de vous souhaiter en mon nom et au nom de tous les membres du Conseil d’Administration de notre association « Santé, Prospérité, Bonheur ».
2010 aura été marqué – pour la vie Fraternienne – par la réunion de Houston au Texas où plus de 200 d’entre vous, venus de tous les horizons des USA et du Canada, se sont retrouvés autour de votre Président – moments inoubliables de retrouvailles dans la joie et l’affection.
A cette occasion, j’ai prononcé un petit discours dont plusieurs d’entre vous m’ont réclamé le texte. Malheureusement ce discours ne fut pas écrit car lorsque je me retrouve avec vous, c’est pour moi une réunion de famille. Je viens auprès de vous avec ma mémoire et mon cœur … et non avec un discours de campagne électorale …
La mémoire, cette boîte à souvenirs, s’ouvre lorsque nous sommes réunis et nous ramène à l’époque à la fois si proche et si lointaine, dans cette chère maison où vous avez passé une partie de votre adolescence, et où j’ai eu la joie de vivre avec vous durant 15 ans entre 1960 et 1975. Pour cette maison, centenaire aujourd’hui, nous avons tous une grande affection qui nous impose un double devoir de mémoire et de reconnaissance. Le grand arbre de Fraternité possède des racines, un tronc et des branches. Les racines, ce sont les fondateurs qui en 1908, construisirent, financèrent et développèrent cette maison durant 50 ans, finançant même régulièrement les déficits chroniques qui jalonnaient cette période jusqu’à mon arrivée. Notre devoir de mémoire et de reconnaissance nous impose de ne pas oublier, même si jusqu’à ce que je sois nommé à la tête de l’établissement, celui-ci était réservé exclusivement aux élèves d’origine chinoise : il est évident que, s’il n’y avait pas eu d’abord un « Lycée franco-chinois », Fraternité n’eut pas existé. Mais l’évolution de la société, les transformations politiques, en un mot, la situation telle qu’elle était devenue dans les années 60, ne permettaient plus de privilégier le « communautarisme » mais de mettre l’accent et de passer au stade beaucoup plus difficile, mais beaucoup plus enrichissant de la « complémentarité ». Lorsque vous engagez votre amour ou votre amitié, vous prenez l’autre tel qu’il est, votre affection l’accepte avec ses qualités … et ses défauts, ce qui n’exclut nullement la « lucidité » mais l’implique en le transcendant et en l’anoblissant.
Dès mon arrivée et durant 15 ans, le nouveau « Fraternité » accueillera de plus en plus nombreux des élèves issus de différentes origines, chinois et vietnamiens, au départ, auxquels vinrent s’agglutiner français, eurasiens, belges, cambodgiens, laotiens, indiens, pakistanais, cingalais et même une « tchécoslovaque » - l’accès aux concours et examens d’entrée, les admissions ne furent plus limitées par des barrières mais ouvertes à tous avec pour seuls critères de sélection, l’âge et le niveau scolaire.
Le nombre des élèves, à partir des années 60, s’accrut tellement et si vite qu’il me fallut construire chaque année de nombreux bâtiments … et courir après les crédits …
Ma mémoire, en quittant cette maison, me porte tout naturellement vers ceux qui l’occupèrent c’est-à-dire vous, mes chers « Fraterniens », vous que j’ai connu quelquefois dès la classe maternelle et jusqu’au baccalauréat. Je me souviens de la remise des tableaux d’honneur et surtout ce cher Monsieur Lam, qui avec une conscience professionnelle exemplaire, veillait au respect du Règlement. Souvenez-vous, Mesdemoiselles, de l’époque où sévissait la mode des « minijupes ». Avec Monsieur Lam les jupes n’étaient jamais assez longues alors que pour vous, elles n’étaient jamais assez courtes. Quant aux garçons, les dimensions réglementaires étaient inversées, mais cette fois pour les cheveux ; toujours trop courts pour vous et trop longs pour Monsieur Lam. Amenés dans mon bureau pour « sévir » contre ces « fautes graves » contre le Règlement, je devais jouer le roi Salomon et trancher.
Tout cela nous faire sourire aujourd’hui … mais avec le recul, cette rigueur n’était pas sans importance puisqu’elle vous inculquait le souci du respect de la « règle », ce qui vous a formé le jugement sur l’importance des lignes que l’on peut franchir et celles que l’on ne doit pas franchir. Cela a contribué à forger votre « colonne vertébrale morale » et vous a préparé à devenir les bons citoyens que vous êtes aujourd’hui.
J’ai toujours essayé, lorsque j’avais à « sévir » de le faire avec une rigueur juste et modérée. Vous m’étiez confié par vos parents plusieurs heures par jour ; c’était donc pour moi une responsabilité importante de gérer cette délégation d’autorité paternelle, « en père de famille ». L’autorité implique certes une certaine rigueur, mais tempérée par l’adjectif « paternelle » qui fait intervenir l’affection, donc une certaine indulgence. Aussi, mes chers amis, vous êtes resté « mes enfants » et je suis venu auprès de vous aujourd’hui avec cette profonde affection intacte.
Mes souvenirs vont encore à vos professeurs que j’ai eu la chance de pouvoir sélectionner pour vous. Je dis « chance » parce que tous mes collègues, à la tête de leur établissement en France, sont obligés d’accepter tous les choix de l’Administration qui affecte de façon irrévocable des enseignants dont certains s’avèrent excellents, d’autres beaucoup moins. A Fraternité, j’ai pu choisir et sélectionner moi-même les candidats, souvent aller les chercher même dans d’autres établissements lorsque j’étais informé de leur valeur, voire de leur excellence. Je refusais un grand nombre de candidats dont je n’étais pas sûr de la qualité. J’ai toujours rigoureusement veillé à la qualité des enseignants à qui je vous confiais et il m’est même arrivé, rarement, d’être obligé d’en renvoyer lorsqu’il était avéré qu’ils ne méritaient ni ma confiance, ni la responsabilité de transmettre ce qu’ils ne possédaient pas.
Aujourd’hui, à la fin de ma vie, c’est une grande joie et une grande satisfaction de constater l’estime et l’affection réciproque entre maîtres et élèves et entre ces enseignants et moi-même. Je remercie les professeurs venus même de New York, du Canada, de Los Angeles, qui ont accepté de faire plusieurs heures d’avion pour participer à notre rencontre.
Je constate, en Europe, les mêmes estime et affection lorsque nous nous retrouvons réunis « à la Tonkinoise » ou rue de Tolbiac chez notre si populaire Le Thi Khanh, ou à Compiègne dans la famille La Canh Hien, ou chez moi en Bretagne avec le groupe venu passer 3 jours à « Matignon ».
Pour vous, enseignants, j’ai toujours essayé d’être un « chef d’orchestre ». Le chef d’orchestre ne doit pas nécessairement maîtriser le piano, le violon, le violoncelle, la flûte, la harpe … mais il doit veiller à l’harmonie après avoir sélectionné ses instrumentistes de la façon la plus rigoureuse possible ; mais après cette sélection, il doit « faire confiance » à chacun, donnant à tous dans le cadre de leur compétence « carte blanche ». Alors l’autorité existe sans « peser ». Je dirai même insensiblement. C’est ce que j’ai essayé de faire en y impliquant mon affection.
Voilà reconstituée l’armature de mon discours fait à Houston, et qu’à défaut de réentendre, vous pourrez lire :
« Ce n’est ni avec orgueil, ni vanité, mais fierté que nous pouvons nous souvenir, grâce aux efforts de tous, Fraternité sera devenu, à la fin des années 60, le plus important établissement francophone du monde avec plus de 6400 élèves et 216 enseignants. Tous les souvenirs que je garde, malgré les difficultés traversées entre les diverses administrations chinoises, vietnamiennes et françaises, les barrières à renverser pour faire les constructions, trouver les crédits, s’appuyer sur les bonnes volontés et négocier longuement avec les mauvaises, tous ces souvenirs ne laissent dans ma mémoire que leur côté positif.
C’est maintenant dans mon pays que j’aime – que j’aurai rencontré les plus mauvais souvenirs de ma vie d’enseignant passionné, lorsque je vois des maîtres, à la tête de leur classe, entraîner des gamins de 13 ans, dans la rue pour manifester, protester, revendiquer, contester pour leur retraite. A 13 ans – déjà je n’aime pas le mot « Retraite » car il me fait penser à la campagne de Russie de Napoléon et au passage de la Bérézina. Mais que l’on « dévoie » des enfants à l’âge où l’on doit les faire « rêver », leur donner un idéal et forger leur caractère pour le réaliser, c’est un véritable traumatisme et une profonde blessure de voir des membres d’une si enthousiasmante profession qui est celle de la transmission du savoir et de nos valeurs dont celle du travail en ne donnant plus comme but et comme idéal, que la « retraite » … à 13 ans.
Voilà, mes chers amis, ces quelques mots à l’aube de la nouvelle année. Encore une fois, tous mes vœux affectueux à la grande famille « FRATERNIENNE ».
NOS DEUILSNotre dévoué RAJ, créateur de notre site Internet, a eu la terrible douleur de perdre son fils. A notre ami et à toute sa famille, nous tenons à dire la participation que tous les Fraterniens apportent à leur douleur et les prières qu’ils adressent au Ciel lors de ces tristes circonstances.
Jean-René PELTIER - que beaucoup d’élèves de Terminale ont eu comme professeur de philosophie s’est lui aussi éteint après une longue maladie. Excellent professeur, d’une compétence très au-dessus de la moyenne, admiré et aimé de tous ceux qui l’ont connu. A toute sa famille, les Fraterniens adressent les plus sincères et affectueuses condoléances.
Jean-René Peltier fait partie de ces enseignants que j’ai été « cherché » dans leur établissement. Alors qu’il avait répondu à ma demande qu’il avait déjà trop de travail au lycée Marie-Curie et à la Faculté de Lettres de Saigon, je l’invitais à venir au moins « voir » à Fraternité la classe qu’il aurait eue s’il avait accepté le poste. Je le vois durant sa visite bavarder avec la classe, et ce n’est pas sans une grande émotion que je me remémore ce souvenir : après quelques minutes d’entretien avec plusieurs élèves, se tournant vers moi, il me dit : « ils sont vraiment trop sympathiques, finalement, je vous les prends ». Il n’a pas eu à le regretter … et vous non plus.
Alors que le bulletin était déjà à la frappe, nous apprenons le décès du papa de notre Vice-Président et ami Tran Thu Sanh. Tous les Fraterniens se joignent à moi pour dire à la famille de notre ami, la part que nous prenons à sa peine.
Egalement décédé Monsieur Jean MANESCAU qui était depuis longtemps un fidèle adhérent de notre association. Plusieurs années à la direction de la Banque Franco-Chinoise à Saigon, il avait toujours activement participé à l’aide de notre lycée. Avec nos plus affectueuses condoléances à son épouse et à sa famille.
LES COTISATIONS
Le Bulletin, n’ayant pas paru l’an dernier puisque j’étais hospitalisé, les listes des adhérents ayant réglé leur cotisation en 2009 n’a pas été publiée et aucune cotisation n’a été réclamée en 2010. Nous publions donc la liste de 2009.
A tous nos amis du Canada et des USA : il ne faut plus envoyer de chèque car le montant des taux de change, frais de virement international et redevance prélevée par chèque fait qu’il coûte plus cher que son montant. Ce n’est pas grave. Si vous venez en France, vous pouvez faire un chèque en euros et l’adresser à Monsieur Dejean. Pour moi, même n’ayant pas réglé votre cotisation d’adhérent, vous restez « Fraternien ». Comme vous avez pu le constater, nous n’avons pas encaissé les chèques établis en dollars. Je ne les ai pas renvoyé mais détruit.
Le 21 janvier 2011
Monsieur Michel BRUN
Président Association FRATERNITE
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