2013年8月16日星期五

L’article défini : Avoir le temps et Avoir du temps

1. Analyse de la structure

La locution avoir le temps est un bon exemple d'expression dans laquelle la forme d'article s'est plus ou moins « figée », et ce sous une forme qui peut sembler illogique à l'apprenant FLE. Ainsi, les finnophones (entre autres) utilisent souvent à tort la forme avoir du temps dans des contextes où on emploie en fran­çais avoir le temps. L'emploi de la forme avec article du est en soi parfaitement rationnelle, puisqu'elle est analogue à de nombreuses constructions similaires, dans lesquelles l'article massif correspond à un par­ti­tiivi en finnois :

Minulla on rahaa. J'ai de l'argent.
Hänellä oli onnea. Il a eu de la chance.

Il serait donc logique qu'on dise, sur le même modèle :

Minulla on aikaa. J'ai du temps.

Pourtant, ce n'est pas le cas. Le plus souvent, quand on veut dire qu'on a « du temps » pour faire quelque chose, dans l'expression avoir + temps, on utilise l'article défini. En effet, l'expression est développée par un complément (infinitif) qui précise (« définit ») le temps dont il s'agit, exactement sur le mo­dè­le d'autres noms complétés par un infinitif. Comparer :

J'ai eu l'occasion de lui parler plusieurs fois.
Nous avons eu la chance de pouvoir visiter ce musée habituellement fermé au public.
Vous aurez le temps de découvrir la ville lors de la visite guidée.

Les phrases finnoises suivantes se traduisent donc :

(a) Olisiko teillä aikaa tarkistaa teksti ? Est-ce que vous auriez le temps de vérifier le texte ?
(b) Hänellä ei ole aikaa siihen. Il n'a pas le temps de le faire.
(c) Olisiko teillä aikaa ottaa minut vastaan?  Auriez-vous le temps de me recevoir ?
(d) Voisitteko lukea tekstin, jos teillä on aikaa? Pourriez-vous lire le texte, si vous avez le temps ?
(e) Minulla ei ole nyt aikaa. Je n'ai pas le temps maintenant.

Dans tous ces exemples, à un partitiivi finnois correspond en français un article défini, qui s'explique pour la raison mentionnée ci-dessus (le temps est complété par un infinitif). Cet article défini s'emploie même quand le verbe qui développe la locution avoir le temps n'est pas exprimé (exemples d et e). En effet, l'expression avoir le temps est toujours implicitement suivie d'un verbe sous-entendu : dans l'exemple (d), ce verbe pourrait être de lire le texte, dans l'exemple (e) de vous recevoir, de t'aider, de regarder la télé etc., en fonction du contexte.

2. Solution de l'énigme

Normalement, si on n'exprime pas le complément infinitif de l'expression avoir le temps, on peut le re­pren­dre par un pronom. Dans ce cas, on utilise le pronom en (p. 288 §5) :

Relisez le texte en entier, si vous en avez le temps [= si vous avez le temps de le relire], et voyez quelles sont les modifications qu'il faut faire.
Nous aurions souhaité prendre connaissance de ce nouveau document, mais nous n'en avons pas eu le temps [= pas eu le temps de prendre connaissance du document].
Je terminerai ce rapport dès que j'en aurai le temps [= j'aurai le temps de terminer ce rapport].

Dans la langue écrite, on exprime régulièrement ce pronom en, mais dans la langue courante, on l'omet généralement :

Passez chez nous ce soir, si vous avez le temps. [= si vous en avez le temps]
Jette un coup d'œil là-dessus, si tu as le temps. [= si tu en as le temps]
Je terminerai ce rapport dès que j'aurai le temps. [= dès que j'en aurai le temps]

C'est là que que se trouve la solution de l'énigme (pour les finnophones, au moins) de l'emploi de l'ar­ticle défini ; l'ar­ticle défini le (avoir le temps) s'explique par la présence d'un complément infinitif « ca­ché » :

Passez chez nous ce soir, si vous avez le temps [de passer].
Jette un coup d'œil là-dessus, si tu as le temps [d'y jeter un coup d'œil].
Je terminerai ce rapport dès que j'aurai le temps [de le faire/de m'y mettre].

La forme avoir du temps n'est pas du tout agrammaticale, simplement elle est nettement moins usitée dans la pratique courante pour exprimer l'idée de ehtiä, olla aikaa tehdä jotakin. On peut dire que la forme « passepartout » est la forme avoir le temps. Dans la langue familière, on peut même utiliser cette construction sans renvoyer spécifiquement ou implicitement à un verbe, donc pour dire tout sim­ple­ment « avoir du temps pour faire qch » :

Tu aurais le temps, là ? Olisiko sinulla aikaa nyt? — Désolé, je n'ai vraiment pas le temps.
Tu pourrais m'aider un peu ? — J'ai pas le temps !
On peut se voir ce soir ? — Pas le temps !

Dans ces constructions, il y a également un complément implicite (je n'ai vraiment pas le temps de m'oc­cuper de toi / J'ai pas le temps de t'aider / Pas le temps de venir/de passer).

3. Avoir du temps

La forme avec article massif avoir du temps s'utilise pour indiquer une quantité de temps plus concrète et signifie le plus souvent « avoir du temps libre » (joutilasta aikaa, vapaa-aikaa), un espace de temps où on n'est pas occupé :

J'ai un peu de temps, on pourrait aller prendre un verre ?
Elle n'a pas beaucoup de temps en général, elle est toujours à courir à droite et à gauche.
Avoir du temps ? Ça s'apprend ! [titre de livre]

Donc si on demande à quelqu'un Est-ce que vous avez du temps ?, la question signifie en quelque sorte « Est-ce que vous avez du temps libre ? ». Or, quand on demande en finnois Olisiko teillä aikaa?, on ne de­man­de pas si la personne a du temps libre en général (vapaa-aikaa), mais si elle peut trouver, dans son emploi du temps, un moment pour faire quelque chose. En général, on pose justement cette question parce qu'on suppose que la personne n'a pas de temps libre. Si la personne répond j'ai le temps, c'est qu'elle peut trouver un espace de temps pour faire la chose qu'on demande. Si elle répondait j'ai du temps, cela signifierait (presque) « Minulla on ruhtinaallisesti aikaa », « minulla ei ole muuta kuin aikaa ».

4. Différences de construction

On peut noter également que chacune des deux constructions est suivie d'une préposition différente (les apprenants FLE confondent souvent les deux) :

avoir le temps de faire quelque chose
avoir du temps pour quelque chose ou pour faire quelque chose

On constate que seule la forme avoir du temps (pour) peut être suivie d'un GN (voir cependant §5 ci-dessous). La forme avec article massif avoir du temps indique donc une quantité de temps. C'est pour­quoi on la trouve fréquemment après des déterminants de quantité, et dans diverses expressions où on en­vi­sa­ge toujours une quantité de temps concrète :

avoir du temps à consacrer à quelqu'un, avoir du temps devant soi, avoir du temps à tuer
Tu as un peu de temps pour regarder cette histoire ?
Demain, j'aurais peut-être un peu de temps pour vous.
Il faudrait que j'aie plus de temps.
Je n'ai pas de temps à perdre avec ces sottises.
Il n'y a pas de temps à perdre, il faut immédiatement aller à l'hôpital.

C'est ainsi qu'on peut opposer :

Est-ce que vous avez le temps de vous consacrer à vos enfants ? Ehdittekö olla lastenne kanssa?
Est-ce que vous avez du temps à consacrer à vos enfants ? Onko teillä aikaa lapsillenne?
Il ne prend pas de vacances, il n'a jamais le temps. Hän ei pidä lomaa. Hän ei ehdi tehdä sitä.
Il ne prend pas de vacances, il n'a jamais de temps pour ça. Hän ei pidä lomaa, hänellä ei ole aikaa sellaiseen.

On peut ainsi envisager plusieurs réponses à une même question :

Est-ce que vous avez le temps d'aller au cinema pendant la semaine ?
– Non, je n'ai pas le temps. [sous-entendu : d'y aller]
– Non, je n'en ai pas le temps. [même réponse, mais d'y aller pronominalisé sous la forme en]
– Je n'ai pas de temps pour ça. / Je n'ai plus de temps pour ça.

5. Les deux constructions se confondent parfois

Comme on le voit, la différence n'est pas toujours facile à apprécier. De plus, dans l'usage de la langue courante (comme pour compliquer les choses du point de vue de l'apprenant FLE) les locuteurs mêlent parfois les deux constructions, puisqu'elles ont, malgré tout, un sens assez proche. Malgré ce qui vient d'être expliqué, il ne faut donc pas s'étonner de trouver les formes sui­vantes :

Je n'ai pas le temps pour des passe-temps ! [On attendrait plutôt : pas de temps pour]
Je n'ai pas le temps pour ces choses-là, répondit un jeune homme pressé de s'assurer une bonne place dans le stade. [On attendrait plutôt : pas de temps pour, mais je n'ai pas le temps signifie « je suis trop pressé ». La phrase s'analyse donc comme une construction analogue à Je suis trop pressé pour ces choses-là.]
Après je mets les mains dans le cambouis pour adapter le script, mais là j'ai pas le temps pour développer de A à Z un script. [même remarque]

6. À retenir

La règle à retenir avant tout pour les finnophones est qu'on demande à quelqu'un Est-ce que tu as le temps ? ou Est-ce que vous avez le temps ? et non pas du temps, même si en finnois on veut dire olla aikaa. De même, en réponse, on dira le plus souvent je n'ai pas le temps.


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Il faut faire attention à la ressemblance trompeuse entre les constructions faire du violon/du piano/de la flute etc. et jouer du violon/du piano/de la flute. Malgré les apparences, les deux expressions ne reposent pas sur la même construction. Dans le cas de jouer du violon, les apprenants FLE et pro­ba­ble­ment une grande partie des francophones eux-mêmes comprennent du comme un article massif, par analogie avec les constructions comme faire du tennis, faire du foot, faire du piano, faire de la guitare etc.

Pourtant, quand le complément d'objet du verbe jouer désigne un instrument de musique (jouer signifiant dans ce cas « savoir utiliser », « pratiquer » tel ou tel instrument), le verbe est transitif indirect. Il se cons­truit en effet avec la préposition de. On dit jouer d'un instrument, que l'on peut traduire en finnois soittaa jotain soitinta ou tout simplement harrastaa musiikkia :

Est-ce que tu joues d'un instrument ?
De quel instrument savez-vous jouer ?

La construction jouer du violon/du piano/de la flute etc. s'interprète donc comme jouer de + article défini + nom (l'article défini est employé ici avec une valeur générique). Autrement dit, dans jouer du vio­lon, le groupe du violon est un groupe prépositionnel, qui est le complément d'objet indirect du verbe jouer. Le mot du est donc une forme contracte de+le et non pas un article indéfini massif :

jouer de + un instrument → jouer d'un instrument
jouer de + la trompette → jouer de la trompette
jouer de + le violon → jouer du violon
jouer de + le piano → jouer du piano

2. Faire verbe transitif direct

Le verbe faire suivi du nom d'un instrument introduit par un article massif a le même sens que jouer de et s'utilise plus fréquemment dans la langue courante que jouer de :

faire du violon = jouer du violon
faire de la clarinette = jouer de la clarinette
faire du basson = jouer du basson

Comme le verbe faire du signifier « pratiquer régulièrement », on ne l'utilise généralement pas pour les instruments dont on joue seulement occasionnellement. C'est ainsi qu'on dira jouer du triangle plutôt que faire du triangle, ou jouer du célesta plutôt que faire du célesta. De même, on ne peut pas rendre l'idée de « savoir jouer d'un instrument » en disant faire un instrument (*Est-ce que tu fais un ins­tru­ment ? dans le sens de « Est-ce que tu joues d'un instrument ? »). Faire un instrument n'est pas en soi grammatical, mais signifierait « fabriquer un instrument ». Quand l'objet direct est le mot instrument, on peut utiliser uni­que­ment le verbe jouer de.

La différence essentielle avec jouer de est que le verbe faire est transitif direct. Dans faire du piano, le GN du piano est le complément d'objet direct du verbe faire, et le mot du est l'article indéfini massif. Com­parer les constructions aux exemples ci-dessus (§1) :

faire + du piano → faire du piano
faire + de la trompette → faire de la trompette

3. À la forme négative

La différence entre les deux constructions devient apparente quand le verbe est à la forme négative. Dans le cas du verbe faire, l'article indéfini massif passe à la forme de (p. 49). En revanche, comme le verbe jouer de a un objet indirect, il n'y a aucune modification à la forme négative. On dit donc je ne sais plus jouer de la flute (en osaa enää soittaa huilua) et non pas je ne sais plus jouer *de flute, puisque le nom flute n'est pas un complément d'objet direct. Comparer également :

Je ne fais plus de violon. Mais :
Je ne joue plus du violon.
Il ne fait plus de piano. Mais :
Il ne joue plus du piano.
Elle n'avait plus fait de trompette depuis longtemps. Mais :
Elle n'avait plus joué de la trompette depuis longtemps.

4. Jouer verbe transitif direct

Quand le complément du verbe jouer désigne de la musique et non plus un instrument, le verbe est tran­sitif direct, autrement dit il a un complément d'objet direct :

jour des notes, jouer des gammes, jouer des accords
jouer du Bartók, jouer une symphonie, jouer une sonate

Dans ce sens-là, on ne peut pas non plus utiliser le verbe faire. Faire une sonate serait grammatical, mais signifierait « composer une sonate ».

Le résumé suivant présente différents exemples qui expliquent pourquoi les apprenants FLE peuvent fa­ci­le­ment confondre les différentes constructions :

faire du piano (du = article indéfini massif)
jouer du piano (du = forme contracte de+le)
jouer du Ravel (du = article indéfini massif)


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