LE MONDE | 12.12.2013 à 12h10 | Par Alain Beuve-Méry
Daniel Ek, le 11 décembre, à New York. Le patron de Spotify fait le pari qu'en rendant son modèle plus accessible, il gagnera des abonnés. | E. DUNAN/AFP
Généraliser la gratuité. Mais sans abandonner le système d'abonnement. C'est le choix fait par Spotify et annoncé, mercredi 11 décembre à New York, par Daniel Ek, le patron suédois et fondateur de cette entreprise, leader mondial du streaming, l'écoute en ligne de musique sans téléchargement.
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C'est un sacré tournant pour cette société créée en 2008. « Le plus important », de l'aveu de M. Ek, mais dicté avant tout par les contraintes économiques. Et surtout par l'offensive engagée par Apple, en septembre, avec le lancement de son service d'accès en ligne gratuit, iTunes radio.
« CRÉER UN MODÈLE ÉCONOMIQUE PÉRENNE QUI RAPPORTE DE L'ARGENT À L'INDUSTRIE MUSICALE »
« Nous voulons créer un modèle économique pérenne qui rapporte de l'argent à l'industrie musicale », a expliqué M. Ek au Monde. « Aujourd'hui, Spotify rassemble six millions de personnes dans le monde qui paient pour écouter de la musique. Notre objectif est de faire croître le nombre d'abonnés mais aussi de simples utilisateurs », explique-t-il.
Car pour arriver à ce résultat, le jeune patron trentenaire a théorisé le passage au gratuit. « Plus vous avez d'utilisateurs, plus vous avez de souscripteurs », tel est le credo qu'il invoque et le pari qu'il engage, au niveau mondial, pour sa start-up, la musique en ligne n'ayant pas de frontières.
Mercredi, Daniel Ek a fait quatre fortes annonces publiques. La première concerne la gratuité de son modèle et avait été éventée par le Wall Street journal. Il a confirmé que Spotify devenait gratuit, sans limitation de durée d'écoute, le financement étant assuré par la publicité. Désormais, le service, qui était déjà accessible gratuitement sur ordinateur fixe et portable, le sera aussi sur tablettes et mobiles, sous système d'exploitation IOS (Apple) ou Android (Google).
LE CATALOGUE DE LED ZEPPPELIN ACCESSIBLE SUR LA PLATEFORME
Les vingt millions de titres du catalogue de la start-up suédoise seront accessibles sans limitation (contre dix heures d'écoute jusqu'alors), mais toutes les trois ou quatre chansons, il y aura désormais une publicité sonore. Par rapport aux abonnés, les utilisateurs du modèle gratuit ne pourront écouter leurs titres que dans un mode aléatoire.
Déjà présent dans trente-cinq pays, Spotify étend sa couverture internationale en l'élargissant à vingt pays de plus, d'Amérique latine, d'Asie et d'Europe centrale et orientale (Bolivie Colombie, Indonésie, Chypre, Slovaquie, etc.)
Enfin, cerise sur le gâteau, M. Ek a annoncé que le catalogue de Led Zepppelin – le groupe légendaire de rock, fondé en 1968 par John Bonham, John Paul Jones, Jimmy Page et Robert Plant (label Atlantic-Swan) – devenait enfin accessible sur la plateforme de Spotify.
UNE LONGUEUR D'AVANCE SUR SES CONCURRENTS AUX ÉTATS-UNIS
Pour Spotify, l'évolution du modèle économique vise à répondre au lancement par Apple de son iTunes radio. Le marché américain reste à ce jour pour la musique, le plus important et le plus rémunérateur au niveau mondial, mais également le plus compétitif. Présent aux Etats-Unis depuis 2011, Spotify entend désormais chasser sur les terres de Pandora, Rdio et iTunes Radio.
Jusqu'à présent, Spotify, qui ne gagne pas encore d'argent, tire l'essentiel de ses revenus de ses abonnements. Avec le service Spotify free, il sera désormais aussi financé par de la publicité. Aujourd'hui, Spotify dispose d'un portefeuille de 24 millions d'utilisateurs, ce qui reste modeste, mais la société jouit d'un bon taux de conversion, puisqu'un quart sont devenus des abonnés.
Spotify fait le pari qu'en rendant son modèle plus accessible, il gagnera des abonnés, car son modèle « premium » permet d'écouter la musique à la demande, sans interruption publicitaire, donnant aussi accès à une meilleure qualité acoustique. Pour le moment, aux Etats-Unis, l'entreprise garde une longueur d'avance sur ses concurrents.
« UNE ENTREPRISE ''MOBILE'' »
Le deuxième pari stratégique de Daniel Ek est de « transformer Spotify en une entreprise "mobile", puisque, du réveil jusqu'au moment où vous allez vous coucher, votre téléphone intelligent vous accompagne à chaque instant », explique-t-il. Il s'agit dans ces conditions d'offrir le meilleur catalogue de musique.
Aujourd'hui les revenus du streaming ont le vent en poupe avec une croissance de 40 % à 1,1 milliard de dollars (800 millions d'euros) en 2012, contre près de 4 milliards de dollars pour le téléchargement.
Entre 2000 et 2012, le chiffre d'affaires mondial de la musique est passé de 27 milliards de dollars à 22 milliards. Mais alors que le revenu issu du numérique comptait pour quantité négligeable il y a une décennie, leur montant s'élève à plus de 5 milliards de dollars aujourd'hui.
« ÊTRE 100 % TRANSPARENT »
C'est dans cette évolution que Daniel Ek, inscrit son parcours. Il rappelle volontiers qu'il est né en Suède, le pays où est né le site de téléchargement illégal Pirate Bay. Depuis, notamment grâce à la montée en puissance de Spotify, le streaming représente 70 % du marché de la musique suédois et il s'agit d'une offre légale.
Pour séduire les publics et les artistes, Spotify rappelle qu'elle reverse 70 % de son chiffre d'affaires aux ayants droit. Sur cette question, Daniel Ek désire « être 100 % transparent ». Mais, c'est le point sur lequel son modèle économique demeure le plus fragile.
Aujourd'hui, un certain nombre d'artistes demeurent en effet méfiants à l'égard du streaming qu'ils ne jugent pas assez rémunérateurs et refusent de confier leur titre, voire pour certains cherchent à les reprendre.
Pour l'industrie musicale et pour les entreprises de musique en ligne, c'est une véritable course contre la montre qui est engagée. En changeant son modèle, Spotify devrait également contraindre Deezer, l'entreprise française, numéro deux mondial du streaming à faire évoluer son modèle.
Musique en ligne : Spotify veut résister à Apple
Spotify désormais gratuit sur mobiles, mais en lecture aléatoire
Le Monde.fr | 11.12.2013 à 17h47 • Mis à jour le 11.12.2013 à 19h22
Alex Norstrom, vice-président de Spotify, le 13 novembre. | REUTERS/LEHTIKUVA
Le numéro un mondial de l'écoute de musique en ligne, le Suédois Spotify, se lance dans le gratuit. Le PDG du groupe, Daniel Ek, a annoncé mercredi 11 décembre que les utilisateurs de l'application sur téléphone mobile et tablette pourront désormais écouter librement « tous les artistes, albums, playlists » proposés par le service. Jusqu'à présent, il fallait contracter un abonnement à 9,99 euros mensuels pour accéder à plus que les dix heures d'écoute gratuites par mois.
Cette gratuité a cependant un prix : l'écoute sera entrecoupée toutes les trois ou quatre chansons par des publicités visant à rentabiliser les coûts de bande passante et de droits d'auteur. La publicité ne devrait pas dépasser « deux minutes par heure », selon Yann Thébaut, directeur général pour la France et l'Europe du Sud. Les utilisateurs « gratuits » ne pourront en outre écouter la musique qu'en lecture aléatoire.
A l'occasion de ce lancement, Spotify a également annoncé la mise à disposition en exclusivité pour un an de la discographie de Led Zeppelin, ainsi que le développement du service dans 20 nouveaux pays en Europe et en Amérique latine.
Lancé par deux Suédois en 2006, Spotify n'a pas encore réussi à engranger de bénéfice. En 2012, sa perte nette a été de 58,7 millions d'euros pour un chiffre d'affaires de 434,7 millions d'euros. Le groupe revendique pourtant 24 millions d'utilisateurs dans le monde, dont 6 millions d'abonnés à son service payant.
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